Contrairement à la plupart des journalistes, je n’absoudrais pas par avance l’agronome Louis Robert, tout lanceur d’alerte soit-il. J’ai en mémoire les attaques lancées par deux vérificatrices du ministère des Transports en 2016, que les journalistes avaient bues comme du petit lait, et qui se sont avérées de pures extravagances (en détruisant la réputation d’une excellente sous-ministre, Dominique Savoie).
Ce à quoi il faut avant tout s’attaquer, c’est à la quasi-démission de l’État québécois face à l’hégémonie de l’Union des producteurs agricoles et de ses fédérations. Cette inflexion est historique et fait partie de la culture du MAPAQ. Ce ministère a d’abord une crainte maladive des réactions épidermiques (et toujours intempestives) de l’UPA, ce qui l’amène à exercer une sorte d’autocensure qui brouille un peu sa capacité d’innovation et même son jugement. En deuxième lieu, le MAPAQ confond le lobbysme et la gestion des organismes publics; l’UPA est en position de contrôle sur la presque totalité des organismes de recherche, de conseils et de mise en marché. Enfin, le gouvernement a historiquement transféré à l’UPA des pouvoirs qui relèvent de la prérogative de l’État et il est incapable d’abolir ces privilèges exorbitants.
Je ne citerai que deux exemples, que nous avions d’ailleurs exposés clairement dans le rapport de la Commission Pronovost.
Si le ministre veut sortir de son embourbe, il a une occasion privilégiée d’imposer à l’UPA des règles de gouvernance et un rétablissement de l’équilibre des pouvoirs qui ont cours partout ailleurs. Ce n’est aucunement agir contre les agriculteurs que de les traiter comme des citoyens et des organisations responsables. Après tout, un conflit d’intérêt, même en milieu agricole, ça demeure un conflit d’intérêt.
Par Yvon Boudreau
Ex-sous-ministre associé et collaborateur à la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire.